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Revue : le viol de l’esprit, par Joost Merloo, 1956

Joost Meerloo Le viol de l'esprit, psychologie du contrôle de l'esprit, du menticide et du lavage de cerveau

Quel rapport entre la spiritualité et les techniques de torture psychologiques sur les prisonniers de guerre ?

Récemment, suite à des débats avec un ami, j’en suis venu à me demander : “ok, si on définit la spiritualité comme étant l’ensemble des pratiques d’auto-transcendance qui servent à mieux se relier à soi, aux autres, à la nature, alors que serait l’anti-spiritualité ?“. Quand je dis anti-spiritualité, j’entends quelque chose de différent du matérialisme ou même de la science (que les religieux accusent parfois d’être anti-spirituelle).

La réponse est venue par “hasard” d’un livre dont j’ai entendu parler dans une conversation qui n’avait rien à voir et dont le titre était “menticide”, comment “tuer l’esprit d’une personne”. Vu que la spiritualité consiste à développer son esprit, je me suis dit que c’était peut-être une bonne piste.

Ce fût le cas, et ce fût une révélation : les techniques pour briser l’esprit d’une personne sont les mêmes que celles que nous utilisons dans la spiritualité pour le développer. Les mêmes : jeûne, isolation, barrage mental, etc…

Ce qui nous amène directement au-dessus d’un abîme : si les mêmes (exactement) techniques sont utilisées pour grandir spirituellement une personne ou pour la rapetisser, qu’est-ce qui les différencie au juste ?

Il y a des différences, dans un cas, c’est la personne elle-même qui choisit son “épreuve” et qui la dose de sorte que ça la fasse grandir. Dans l’autre cas, elle est imposée de l’extérieur, subie, jusqu’à ce que la personne régresse et soit mise sous contrôle. En fait, c’est le résultat recherché qui est différent, dans un cas, on libère la personne, dans l’autre, on l’enferme en elle-même.

C’est cela qui différencie la spiritualité de l’anti-spiritualité.

Mais dans la pratique, ce n’est pas toujours si simple, parce que l’outil est “neutre” en quelque sorte. Cela explique pourquoi les pratiques spirituelles organisées peuvent si facilement déraper et devenir des “sectes”. Cela explique aussi qu’une société toute entière peut se perdre si elle institue des pratiques spirituelles mal dosées.

À ma connaissance, cela n’a jamais été explicité de la sorte. Du moins je ne l’ai jamais lu, alors même que c’est absolument fondamental.

Dans les milieux spirituels, on a tendance à voir la spiritualité comme une panacée. Certes, elle peut potentiellement l’être, mais elle peut aussi mal tourner, à de très nombreux niveaux. Très sincèrement, je crois que c’est le cas dans notre société et que personne n’est véritablement épargné même si beaucoup peuvent penser être sur la bonne voie. Nous jouons avec notre esprit, et c’est par lui que nous voyons le monde, mais nous ne voyons pas notre propre esprit.

Le livre de Joost Meerloo “THE RAPE OF THE MIND, The Psychology of Thought Control, Menticide, and
Brainwashing” (Le viol de l’esprit, psychologie du contrôle de l’esprit, du menticide et du lavage de cerveau) est une véritable pépite. Joost a été mandaté à plusieurs reprises dans sa carrière pour traiter des prisonniers de guerres et parfois aussi pour juger leur responsabilité s’ils avaient divulgué des secrets à l’ennemi.

man standing behind chain link fence holding to fence during golden hour

Il est très clair à ce sujet : tout le monde cède. Bien sûr, certaines personnes parviennent à échapper à leurs bourreaux pour une raison ou une autre, mais c’est circonstanciel. Tout le monde peut être brisé, même si c’est plus facile pour certains que pour d’autres.

À partir de là, il déploie son analyse sur deux fronts : d’une part, l’ensemble des méthodes utilisées par les dictatures, et d’autre part les faiblesses ou tentatives des régimes démocratiques vis-à-vis des mêmes stratégies de prise de contrôle de l’esprit. Il ne se contente pas d’analyser les techniques pour briser une personne, mais comment contrôler une foule, un peuple.

En effet, les tortures d’ennemis sont rarement faites en cachette, elles servent de spectacle pour intimider le peuple qu’elles sont censées protéger.

Joost passe au crible les faiblesses des démocraties, qui sont censées nous protéger de ces dérives. Ce sont des faiblesses spirituelles collectives. De nombreux chapitres sont consacrés à cette thématique, je ne vais pas tout résumer ici, mais voici sa conclusion :

We have to become increasingly aware of the internal dangers of democracy: laxity, laziness, and unawareness.

People have to be aware of the tendency of technology to automatize their minds. They have to become aware of the fact that mass media and modern communication are able to imprint all kinds of suggestions on our brains. They have to know that education can turn us either into weak fact-factories or strong personalities.

Nous devons devenir de plus en plus conscients des dangers internes de la démocratie : le laxisme, la paresse et l’inconscience.
Les gens doivent être conscients de la tendance de la technologie à automatiser leur esprit. Ils doivent prendre conscience du fait que les médias de masse et la communication moderne sont capables d’imprimer toutes sortes de suggestions sur notre cerveau. Ils doivent savoir que l’éducation peut nous transformer en faibles facteurs ou des personnalités fortes.

Je crois en effet que si les lumières nous ont permis de nous libérer de l’obscurantisme religieux, en mettant au pinacle la raison et la raison seule, nous avons certes grandi spirituellement comparativement, mais nous nous sommes aussi imposés un horizon trop limité. Il est temps, à mon humble avis, de nous remettre en question collectivement à nouveau. De toute manière, je ne suis pas sûr que nous ayons le choix. Nous devons rouvrir la boite de pandore spirituelle, mais en étant extrêmement prudent.

Voir aussi :

2 commentaires sur “Revue : le viol de l’esprit, par Joost Merloo, 1956”

  1. Retour de ping : Le monde est-il devenu fou ? - La loi de l'UN

  2. Retour de ping : Vers quelle forme de dictature allons-nous ? - La loi de l'UN

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