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Revue : « Homo Deus » de Harari, un livre majeur pour comprendre notre époque

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Nous vivons une période majeure de l’histoire. Après la fin christianisme, nous sommes entrés dans l’ère de l’humanisme, mais celui-ci arrive en bout de course. Toute la question est de savoir ce qu’il y aura après. Effondrement ou transition ? Harari répond : il va y avoir effacement. Effacement de quoi ? de nous, de l’humanité. Nous entrons dans l’ère du « dataïsme », la religion de l’information.

Ce n’est pas qu’un simple mot marketing pour faire le buzz, c’est un vrai concept explicatif de notre époque et ça explique pourquoi nous sommes en pleine crise du sens, pourquoi nous sombrons dans une crypto-dictature.

La transition vers le dataïsme est déjà commencée. Le train est lancé.

Elle peut mener à un effondrement, surtout en Europe qui est en cours de déclassement (parce qu’on s’accroche à notre « humanisme »), mais cela reste assez peu probable à mon avis, car nous ne manquons pas véritablement de ressources, contrairement au discours alarmiste de l’écologie punitive.

J’avoue, je suis passé à côté de ce livre à sa sortie. J’avais déjà lu le premier (très bon) livre de Noah Harari, historien israélien : « Homo Sapiens ». Je croyais que c’était un simple livre sur le trans-humanisme. Grave erreur. J’ai découvert, non sans une certaine fierté, qu’il avait développé la même thèse que moi, avec les mêmes arguments sur la fin de l’humanisme (à base des arguments des neurosciences : nous n’avons pas de libre arbitre, nous ne sommes pas des individus).

Mais il est allé plus loin bien évidement, en proposant une vision historique complète et cohérente sur notre époque et en nommant celle qui s’annonce. C’est là qu’il est très fort, je trouve. Son livre, en plus d’être percutant, est facile à lire. Il est très pédagogue et donne de nombreux exemples.

Je vais essayer de vous faire toucher du doigt ce qu’est le dataïsme.

dataisme

Nous avons eu l’ère du christianisme : le sacré était la bible, présenté comme la parole divine. Quand il fallait trancher une question difficile (ex: « est-ce qu’avorter c’est autorisé ou non ? ») il suffisait de consulter le livre, d’utiliser la logique pour extrapoler et nous avions une réponse.

Le monothéisme a été remplacé ensuite par l’humanisme. Le sacré, c’est l’homme. Mais comment faire pour trancher les dilemmes de la vie ? Eh bien cette fois-ci, ce fût la subjectivité humaine le critère ultime, la liberté, la dignité, etc… L’individu devait pouvoir vivre aussi pleinement que possible. Harari rentre dans les détails des 3 formes d’humanismes qui se sont combattues (il les nomme : le libéralisme, le socialisme et l’évolutionnisme).

Maintenant, aussi surprenant que cela puisse nous paraître, le sacré, est en train de changer pour devenir « l’information ». Nous n’en sommes pas encore à la religion formalisée et instituée (quoiqu’il y ait des velléités ci et là). C’est ici que Harari est très fort, car il discerne la tendance de fond qui s’annonce dans les signaux faibles précurseurs (son livre a été publié en 2015, et avec le recul, je pense qu’il a vu juste). C’est un travail de Sherlock Holmes qu’il réalise avec brio.

C’est difficile de rendre justice à ces chapitres du livre, car il entre dans les détails du fonctionnement des « algorithmes » qui pilotent de plus en plus nos vies. Prenons quelques exemples. Aujourd’hui, pour vous diriger en ville, de plus en plus de monde utilise waze, qui va vous donner en temps réel les routes dégagées pour éviter les embouteillages. Google peut prédire avant tout le monde une épidémie de grippe d’après les recherches des gens sur son site. Sur les sites de rencontre, ce sont des algorithmes très précis qui vous suggèrent vos partenaires. Pour les élections présidentielles, les « gros » candidats font maintenant appel à des logiciels qui parcourent les réseaux sociaux pour trouver les électeurs hésitants, et les éléments de langages qui vont les faire basculer.

Ces exemples peuvent sembler n’avoir qu’une influence marginale. Ils ne sont pas des épiphénomènes, mais les révélateurs d’une lame de fond. De plus en plus en plus, les informations et les algorithmes vont piloter nos vies. Nous commençons déjà à avoir des cas concrets : la première IA (intelligence artificielle) présidente d’une entreprise, la première IA qui dirige un parti politique, les premières IA juges (pour les divorces), etc.

Harari nous prévient, dans ce monde qui arrive, nous risquons tous de devenir des inutiles, sauf à nous « augmenter » pour devenir des Dieux (thématique qu’il développe amplement dans le livre). Le nouveau sacré c’est l’information et pour trancher les dilemmes éthiques (quand le dataïsme sera institué, ce qui n’est pas encore le cas) ce sera la maximisation de l’information qui sera le critère ultime.

Cela peut sembler fou dit comme ça, mais le livre donne de nombreux exemples convaincants. Prenons un autre exemple : vous faites une radio des poumons. Aujourd’hui, seul votre médecin y a accès. Demain, les algorithmes, les IA (et donc en réalité Google, Amazon et les autres GAFAMs) y auront accès, sous prétexte que ça permet d’améliorer les diagnostics et donc la santé de tout le monde. Tout sera ainsi dans tous les domaines. Si vous n’avez pas le dernier bracelet sportif qui surveille vos pulsations cardiaques, il y aura un problème.

Nous avons déjà mis la main dans cet engrenage. Ça va aller beaucoup, beaucoup plus loin. Agenda 2030, ID2020, Great Reset, Health Data Hub, CBDC, Metaverse, et tout le reste des tendances du moment sont des rejetons du « dataïsme ».

Pour conclure, c’est au fond la raison d’être de ce blog, je résumerai ainsi : il va falloir nous battre pour conserver notre humanité.

Je ne saurai trop vous conseiller de livre ce livre.

1 commentaire pour “Revue : « Homo Deus » de Harari, un livre majeur pour comprendre notre époque”

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