Une révolution copernicienne est un changement de vision sur le monde qui change la place de l’homme dans l’univers et le sens de la vie. Nous en avons vécu 3. Nous en vivons 2 actuellement. Et une poignée d’autres sont à venir. État des lieux.
Résumé :
- 3 révolutions « passées dans les mœurs » : le naturalisme Grec, l’héliocentrisme, le darwinisme
- 3 révolutions « non publiques » : la mécanique quantique, le codage prédictif, la raison n’est pas logique
- 2 révolutions « en cours » : la vie non terrienne, la conscience animale
- Des révolutions « potentielles » : immortalité, l’IA forte, voyage spatial
Je ne vais pas parler ni des conséquences de ces révolutions (passées et à venir), ni étayer mes affirmations sur les révolutions moins connues, ce serait beaucoup trop long.
Les révolutions connues de tous : Platon, Newton, Darwin
La première révolution intellectuelle de grande ampleur fût celle menée par les Grecs (Platon, Aristote, Thales, Pythagore, etc.). Il s’agissait de la révolution « naturaliste » qui a consisté à remettre en question de rôle des Dieux dans les affaires humaines. Et si l’éclair n’était pas envoyé par Zeus, mais qu’il était le produit de forces naturelles et qu’il est possible de comprendre ces forces ?
Ce fût le début de la science, excusez du peu ! Mais il y avait de nombreux mystères à résoudre. Par exemple, le mouvement des « astres errants » (les planètes, la lune et le soleil) dans le ciel étaient expliqués à base d’épicycles, de cycles dans les cycles. Ça ne fonctionnait pas bien. Il fallait sans cesse faire des ajustements pour pouvoir prédire le mouvement des planètes, notamment Mars avec son mouvement rétrograde qui étaient incompréhensibles à l’époque.
Comme nous le savons tous, c’est Copernic, Kepler, Galilée et Newton qui résolurent le problème. Nous passâmes du géocentrisme à l’héliocentrisme et ce ne fût pas une mince affaire : le soleil ne tourne pas autour de la terre, la terre n’est donc pas le centre de l’univers, l’homme n’est donc pas le centre du monde comme l’affirmait l’église. Mais le pire était que la preuve était mathématique, quelques gribouillis sur des pages de papier. Il était possible de mieux connaître le monde avec des mathématiques.
Depuis lors, ce fût le projet de la science que de décrire le monde et vers la fin du 19ème et début du 20ème siècle les scientifiques pensaient être sur le point de terminer. Il ne restait plus que quelques anomalies avec la lumière à expliquer, et le projet d’axiomatisation des mathématiques était en cours (théorie ZFC). Freud expliquait l’inconscient. Pasteur les microbes. Darwin l’évolution. On était bon !
Voilà où on en est plus ou moins dans la culture populaire.
Les trois révolutions qu’une élite fait dans son coin
Mais les choses ne se passèrent pas ainsi. D’abord, les physiciens sont tombés sur un os en étudiant la lumière, qui était à la fois onde et particules. Ils formulèrent la théorie de la mécanique quantique, mais elle aboutissait à des résultats bizarres. Ils restèrent comme des curiosités jusqu’en 1982 ou Alain Aspect fit une expérience qui « violait les inégalités de Bell ». Sans rentrer dans les détails, ça démontre la non-localité des lois de la physique. Plus tard, avec son expérience de choix retardé, Wheeler démontra une « sorte » de rétro-causalité. Je dis une « sorte » car personne ne sait comment interpréter ces résultats et ce qui se passe vraiment.
Cette expérience est une autre révolution copernicienne. Cette fois-ci, il était question de la science elle-même. Elle s’est retrouvée face à un os. Non seulement l’univers n’est pas « local », il y a des « trous » dans l’univers si vous voulez, dans l’espace et dans le temps, mais en plus, il n’est pas « objectif », il n’est pas « réel » en un sens puisque la manière de mesurer une particule impacte le résultat de la mesure. C’est le « problème de la mesure ». Les physiciens aujourd’hui sont obligés de retourner à la métaphysique pour faire avancer la science et personne ne sait où cela va nous mener. Sans parler du fait que la mécanique quantique est incompatible avec la relativité générale. C’est une énorme révolution, mais elle ne concerne que les scientifiques et les philosophes de la science.
Une autre révolution copernicienne nous vient des neurosciences, cf mon article sur Anil Seth. Nous ne percevons pas le monde, nous l’hallucinons. Une hallucination contrôlée. Le moi aussi est une hallucination. Les neurosciences rejoignent ce que disent les mystiques depuis très longtemps. C’est ce que révèle le « codage prédictif ».
Ajoutons enfin la révolution de la « raison » : les biais cognitifs ne sont pas de simples « bugs » en marge du fonctionnement normal et logique du cerveau. Non. Notre raison fonctionne de concert avec nos émotions, et connaît de nombreux biais, tout le temps. Voir Damasio à ce sujet, mais il est loin d’être le seul. Les lumières sont basées sur la raison, mais c’était une erreur. Le grand public n’est pas tellement au courant, car en apparence, nous vivons dans le monde façonné par la raison. De plus, il ne s’agit pas de retourner aux superstitions d’antan.
Nous ne sommes plus seuls dans l’univers
L’éthologie nous amène, elle aussi, sa révolution : il n’y a pas de propre de l’homme. Les animaux ont des outils, des cultures, ils font de la politique, de l’élevage, de l’humour, ils calculent, ils ont des langues etc. Aujourd’hui, les scientifiques estiment que les animaux sont « sentients ». Plusieurs d’entre eux ont démontré qu’ils avaient une conscience d’eux-mêmes comme nous. Le courant actuel va de plus en plus vers la reconnaissance de la conscience pour tous les êtres vivants. Les intellectuels sont de plus en plus convaincus que les animaux, les plantes et même les microbes sont intelligents et conscients. Pas forcément de la même manière que nous, mais nous n’avons rien de particulier non plus. Cette vision des choses percole petit à petit dans la société via les inquiétudes écologiques et le droit des animaux.
Certains scientifiques tentent de traduire le langage des animaux et avec l’aide des IA ils pourraient y parvenir. Vous imaginez l’impact si nous parvenions à comprendre ce que les Dauphins se racontent ? Ce que je dis peut sembler abstrait… jusqu’au jour où ça ne le sera plus.
Une autre révolution se prépare en silence, mais elle est plus spéculative. Celle-ci est en cours. Le grand public est partiellement conscient. L’exobiologie et les recherches sur Mars notamment devraient bientôt obtenir la preuve que la vie s’est développée ailleurs que sur la terre. À partir de là (ce passage est hautement spéculatif), il sera facile d’en déduire que la vie intelligente doit forcément s’être développée ailleurs. Pour le moment, les lois connues de la physique compliquent terriblement les choses et permettent difficilement d’affirmer que l’on puisse un jour entrer en contact avec une autre civilisation technologiquement avancée. Pourtant, on sait que certaines galaxies s’éloignent de nous plus vite que la vitesse de la lumière. Donc théoriquement (c’est le principe du moteur Alcubierre) il pourrait être possible de travers l’univers aussi vite qu’on le veut. Auquel cas, que penser des cas d’OVNI officiellement admis par le Pentagone ? S’il se trouvait que des ET sont déjà là et qu’on finisse par avoir un contact officiel, l’impact serait inimaginable.
L’autre révolution qui est en train de débouler sur nous, c’est celle des IA. Il est estimé que chatGPT a un QI de 80. Il est fort probable que d’ici 10 ou 20 ans maximum les IA dépassent le niveau d’un humain normal puis celui du plus intelligent de la planète. Si vous écoutez un peu Chris Langan, qui fait partie des personnes avec le plus haut QI actuellement, vous verrez que c’est difficile de le suivre. Que va-t-il se passer exactement quand les IA dépasseront ce stade ? difficile à dire, mais ce sera probablement un choc, même si presque tout le monde pense que ça va bientôt arriver.
Qui sait ce qui nous attend maintenant ?
Récapitulons. Les anciens Grecs ont fait la première révolution intellectuelle : la nature a ses propres lois.
Ensuite Copernic, la terre n’est pas le centre du monde. Ensuite Darwin, l’homme est un singe comme les autres. Ces révolutions sont passées dans les mœurs. Non sans mal, car elles ont perturbé nos structures sociales.
Actuellement, l’idée de l’homme au « sommet de l’évolution » n’a plus aucun sens pour les scientifiques, mais tout le monde n’a pas encore intégré l’idée que nous sommes des singes et pas leurs « cousins » ou leurs « descendants ». Nous sommes des singes. Les gens « normaux » intègrent petit à petit que la conscience et l’intelligence sont partout où il a de la vie, y compris microbienne. Souvenez-vous qu’il n’y a pas si longtemps encore, les médecins pensaient que les bébés ne souffraient pas, car ils n’avaient pas de conscience.
Les deux révolutions scientifiques, quantiques et neurologiques par contre, et la révolution sur la raison, vont mettre du temps à arriver jusqu’au peuple. Comment expliquer aux gens que le « réel » n’est pas vraiment « réel » et que le « moi » n’est pas vraiment un « moi » non plus et que la « raison » n’est pas « logique » ? Même si ces 3 révolutions sont déjà effectives, je gage qu’elles vont rester encore longtemps confiné à une élite intellectuelle. D’ailleurs, d’une certaine manière, ces révolutions datent d’au moins 2500 ans. La science actuelle ne fait que confirmer les « intuitions » des anciens yogis, philosophes et mystiques. Mais il y a une différence : avant, c’étaient surtout des individus isolés qui atteignaient ce « niveau ». Cette fois-ci, c’est toute une classe sociale qui est en train de faire le saut.
Il se peut qu’il y ait d’autres révolutions en cours dont je n’ai pas conscience.
Avec l’arrivée des IA, il est possible que nous fassions d’autres découvertes révolutionnaires (l’immortalité ? de nouvelles formes de vies « fabriquées » ou « hybrides » ? la fusion avec les machines ? qui sait) mais il y a fort à parier que d’ici peu elles nous dépassent en intelligence. Nous ne serons ainsi plus l’espèce « dominante » officiellement. C’est déjà le cas selon moi, c’est justement cela qui définit le digitocène. Il est possible que ces révolutions aussi ne touchent pas l’ensemble du grand public et qu’elles soient réservées à une classe sociale limitée.
Notons enfin deux choses importantes à propos de ces révolutions.
À chaque fois l’homme « déchoit » de la place privilégiée qu’il s’était donné à lui-même
Chacune de ces révolutions changent la place que nous donnons à l’homme dans l’univers et le sens de la vie. Elles ne sont pas anodines. Notez qu’à chaque fois l’homme « déchoit » de la place privilégiée qu’il s’était donné à lui-même. Il n’en a pas toujours été ainsi, c’est une spécificité du christianisme dans lequel Dieu lui-même vient se sacrifier pour nous. Pour les païens, les Dieux étaient similaires aux hommes, mais en plus puissants, nous n’étions donc pas au sommet. Pour les animistes, les hommes vivaient parmi les esprits sans rien avoir de spécial. Ça ne nous empêchait pas de vivre, bien au contraire, ils avaient la sensation de faire partie d’un tout et je pense qu’il est urgent de grandir et de retrouver cette place plus « humble ».
Soulignons le fait que le rythme s’accélère. Nous n’avons plus le temps d’intégrer une révolution qu’une autre arrive déjà. Je pense que c’est un facteur qui explique les pertes de repères des gens et la crise du sens actuelle. Nous n’aurons pas plusieurs générations pour nous accoutumer.