Spoiler alert : en fait, il n’y a pas de match, la noétique intègre la zététique, à la différence de l’occultisme !
Si je définis « noétique = magie – romantisme + science« , ça implique que la zététique en fasse partie.
Le terme zététique a été inventé par Henri Broch et se défini comme étant l’application du doute méthodique aux phénomènes paranormaux, pseudo-sciences et thérapies non conventionnelles. Je précise d’entrée de jeu : doute méthodique et non pas doute dogmatique.
Mais alors, est-ce que la « magie » n’est-elle pas exclue d’office ? ça n’existe pas la magie pour un zététicien, non ?
Oui et non. Tout dépends de ce qu’on entend par magie et tout dépends du zététicien. Clarifions tout ça.
Ce que la zététique apporte
Prenons quelques exemples. Aujourd’hui, on sait comment ont été construites les pyramides d’Égypte. L’intérieur est fait de remblais, ce qui a beaucoup simplifié sa construction. Les archéologues ont retrouvé quelques « astuces » (comme utiliser de l’eau) qui permettent de grandement accélérer la taille de la pierre, etc… Cf. l’article où je donne les références. Donc toutes les théories qui spéculent sur des méthodes fantastiques (lévitation, extra-terrestres, Atlantide, technologie perdues) sont éliminées du jeu. Ce sont des théories qui pouvaient être acceptables à une époque où on n’avait pas d’explications.
C’est un peu comme pour la Bible, à une époque, on pouvait croire qu’Adam et Eve avaient vraiment existé, que la genèse s’était bel et bien déroulée telle que décrite dans la bible, avec la pomme et le serpent il y a environ 6000 ans. On pouvait quand même se douter que le serpent qui parle devait être allégorique. Maintenant, on « sait » grâce à la théorie de l’évolution et au calcul de l’age de la terre que cette histoire n’a pas pu être réelle. C’est un mythe.
Si une personne prétend avoir des pouvoirs paranormaux, la méthode scientifique doit en principe permettre de nous dire si c’est un charlatan ou non. Ce n’est pas si simple qu’il y paraît puisque les mentalistes et les prestidigitateurs parviennent à faire des choses incroyables. Cela démontre qu’il faut une méthode rigoureuse pour faire la part des choses.
La zététique nous permet donc de faire le tri. Mais est-ce qu’elle nous permet d’affirmer que le paranormal n’existe pas ? que les thérapeutes « énergétiques » sont tous des escrocs ? Non.
Le champ d’application de la zététique
Si on définit la magie comme étant la manifestation d’une force « surnaturelle », alors, on a un problème. La science, c’est l’étude des phénomènes naturels. On parle d’approche « naturaliste ». Ça remonte aux premiers philosophes Grecs, l’idée était de dire que l’éclair qui tombe est un phénomène « naturel » régi par les lois de la nature et non un caprice de Zeus qui passait dans le coin.
Si la magie est « surnaturelle » on dit implicitement qu’elle échappe aux lois de la nature, donc, que Zeus (ou un autre) est dans les parages. Cette posture n’est plus tenable à l’heure actuelle.
Reste l’autre possibilité : la magie serait une force « naturelle », mais une force que l’on ne connaît pas encore. Au 19ᵉ siècle, en pleine période romantique, il y eu un regain d’intérêt pour les « sciences occultes », le spiritisme et les phénomènes paranormaux (télépathie, télékinésie notamment). La science s’est penchée sur ces cas. Elle a réfuté la possibilité que des forces connues soient à l’œuvre. Par exemple, il n’existe pas (pour ce qu’on en sait) de « magnétisme » humain qui permette des phénomènes paranormaux. Comment on le sait ? Eh bien, c’est relativement simple, on utilise une cage de Faraday qui isole une zone du magnétisme. Si on observe un phénomène étrange, on essaye de le reproduire en dedans et en dehors d’une cage de Faraday.
Pour vous la faire courte, aucune des forces de la nature connues à ce jour (on n’en a découvert que 4 : gravitation, électro-magnétisme, force forte et faible) ne peut expliquer un phénomène étrange.
Certains en concluent, un peu rapidement, que la question est réglée : la magie ne peut pas exister de façon naturelle.
La limite de la zététique
Le problème, c’est qu’aucune théorie scientifique à ce jour n’est « complète ». On le sait parce qu’on a plusieurs théories qui ne sont pas compatibles entre elles (la mécanique quantique et la relativité générale) d’une part, et d’autre part parce qu’il y a de nombreuses observations, notamment en astronomie, qu’on ne sait pas expliquer. De plus, on n’a pas le moindre début de commencement d’embryon d’explication de ce qu’est la conscience.
Enfin… pas tout à fait, puisque c’est précisément le but de mon livre, Quantalia, de proposer une théorie de la conscience. Il se trouve que ça laisse la place à la possibilité de certains phénomènes paranormaux, de manière très subtile. Selon moi, la « magie », non pas au sens surnaturel, mais au sens, il existe « quelque chose » qui relie la conscience et la matière, et ce « quelque chose » permet une « certaine » influence de l’esprit sur la matière, dans certaines circonstances. Je sais, c’est très vague, mais je ne vais pas spoiler mon propre livre d’une part, et d’autre part, le contour de ce qui peut être « magique » ou non n’est pas si simple à définir.
Autre problème, le darwinisme n’est pas réfutable. Donc d’un point de vue strictement « sceptique » on devrait taxer la théorie de l’évolution de « pseudo-science » parce qu’elle ne répond pas aux critères popperiens. Le principe d’énergie libre de Karl Friston n’y répond pas non plus. On peut quand faire de la science avec parce qu’on va décliner ces principes en lois, qu’on peut vérifier ou non. Évidement, on ne va pas en déduire directement que les dogmes religieux sont de la science.
À ce stade, certains peuvent choisir de se dire que c’est le dernier pré carré des rêveurs, des gens qui sont gênés par le paradigme matérialiste, mécaniste, newtonien, cartésien du monde. Le paradigme qui exclu tout phénomène « paranormal », incluant les ovnis, la lévitation, la télépathie, les synchronicités, etc…
Certains peuvent choisir de croire que le paranormal n’existe pas, d’autre peuvent choisir l’inverse. La science n’a pas tranché cette question (même si wikipédia prétend le contraire, ce n’est pas vrai, il y a toujours des controverses sur le sujet même si elles ne concernent qu’une poignée de spécialistes). Quand je dis « croire », comprenez-moi bien, je parle de croire en une hypothèse, ou une interprétation, tout comme certains scientifiques « croient » en la théorie des cordes, et d’autres dans la gravitation quantique à boucle. Il ne s’agit pas non plus de croire tout ce qu’on a envie. Désolé, mais le père noël n’est pas réel :-). Certains croient que nos pensées créent entièrement le monde. Je pense que c’est incorrect.
Ceci dit, ceux qui ne croient pas dans l’hypothèse « magique » se trouvent devant un problème de taille. Comment expliquer la conscience si tout est simplement « matière » ? Cela les amène, s’ils poussent la logique au bout, à conclure que la conscience est une illusion. Cette école philosophique s’appelle l’illusionisme. Personnellement, je trouve cette posture assez cocasse et je leur souhaite bien du courage !
Conclusion : la noétique sur le fil du rasoir
La noétique, c’est donc le choix de défendre l’hypothèse qu’il existe une sorte de « force » qui permet à la conscience d’exercer une influence subtile sur la matière et donc sur d’autres consciences aussi bien évidement, au sein du paradigme naturaliste. Il s’agit d’étudier la question avec les outils de la science, tout en envisageant la possibilité que la méthode scientifique puisse évoluer légèrement pour s’adapter à ce champ d’étude singulier.
En fait, toute la controverse est dans cette dernière phrase. Je fais partie de ceux qui prétendent que la méthode scientifique doit changer à partir du moment où on fait intervenir la conscience dans l’équation. Nous n’avons pas le choix. Toute la difficulté est : comment faire sans casser la méthode scientifique qui nous a donné tant de résultats jusqu’ici. De toute manière, la science actuelle est déjà face à un mur avec la gravitation quantique. Elle est déjà en train d’évoluer.
Pour ma part, la prochaine étape est du côté de la philosophie des sciences : lire Khun et Feyerabend pour se mettre à niveau. Si des zététiciens de tous bords veulent se joindre à l’aventure, ils sont les bienvenus.