Sans aller jusqu’à dire que l’unité est le principe de la science, ça en est au moins l’un des moteurs récurrents, parmi les plus puissants.
Quand, quand les temps anciens, les scientifiques de l’époque identifient les mouvements des astres (étoiles et planètes) à des cercles, c’est parce que ça correspondait à leurs observations bien sûr, mais aussi parce que le cercle était l’image de la perfection, de l’unité. Mais il y avait le problème des épicycles, ces astres qui étrangement, de temps à autre, refusaient de se mouvoir traditionnellement et retournaient en arrière. Il a fallu attendre Copernic, Galilée et plus tard Newton pour comprendre la vision unifiée du mouvement apparent des astres. Oui, ils tournent, mais pas le long d’un cercle dont le centre est la terre, mais le long d’une ellipse dont l’un des foyers est le Soleil. Newton ajouta sa loi de la gravitation universelle pour expliquer non seulement pourquoi ils tournent, mais pourquoi les objets pèsent. Il porta « l’unification » encore plus loin.
Darwin proposât lui aussi un mécanisme « unifié » pour expliquer pourquoi et comment les animaux pouvaient se ressembler, balayant les théories précédentes des « transformations » qui avaient cours à l’époque. Son explication fût si profonde, et élégante, qu’elle est encore utilisée aujourd’hui (avec quelques améliorations) telle quelle, et appliquée dans d’autres domaines (l’intelligence artificielle par exemple, ou bien l’étude des comportements, y compris humains : c’est la sociobiolgie ou la psycho-évo).
Cette quête d’une vision « unifiée », c’est-à-dire, chercher « le » principe, le point de vue, qui explique des phénomènes en apparence dissemblables ne s’est pas arrêtée après les découvertes du siècle des lumières. Bien au contraire.
Au début du 20ème siècle, deux nouvelles théories naquirent pour expliquer l’infiniment grand, et l’infiniment petit : la relativité générale, et la mécanique quantique. Chacune d’elle proposait une vision unifiée de nombreux nouveaux phénomènes découverts à cette époque (les fentes de Young, la radioactivité, les franges d’interférences, etc.). Mais elles n’étaient pas compatibles l’une avec l’autre, ce qui amène l’un des plus grands moteur scientifique actuel : la recherche d’une explication unifiée des quatre forces fondamentales connues (électromagnétisme, force électro-faible et forte et gravitation).
La même chose existe en mathématique. Au début du 20ème siècle, là encore, des chercheurs tentèrent d’unifier les mathématiques avec un seul formalisme rigoureux. Une première théorie fût proposée : la théorie des ensemble (ZFC). Malheureusement, peu de temps après, Kurt Gödel trouva une faille et démontra que certains problèmes étaient insolubles dans cette théorie.
Plus tard, Alexandre Grothendieck trouva un moyen d’unifier la géométrie continue et discontinue, révolutionnant profondément la topologie. Les outils qu’il a inventés sont à la base de la théorie des cordes qui tente de réconcilier la relativité générale et la mécanique quantique. Ce sont aussi des briques importantes de la théorie des catégories, qui est le nouveau langage unificateur des mathématiques.
Tout le monde sait additionner ou multiplier deux chiffres. Ceux qui ont fait des études scientifiques savent que l’on peut aussi multiplier des vecteurs, des ensembles, des matrices, des propositions logiques, et en dernier lieu beaucoup d’autres objets mathématiques. La théorie des catégories est un formalisme commun, unifié, à toutes les mathématiques (et même plus, on peut l’appliquer à la linguistique et à d’autres domaines) qui permet de comprendre ce qu’est une multiplication, quelque soit les objets auxquels on l’applique.
La géométrie algébrique est aussi une autre tentative, cette fois pour unifier les mathématiques et la physique, du moins une partie d’entre eux, en proposant un formalisme commun aux : nombres complexes, vecteurs, quaternions, théorie des matrices, formes différentielles, calcul tensoriel, spineurs, et twisteurs, le tout permettant d’écrire l’équation de Schrödinger, celle de la relativité générale d’une manière beaucoup plus simple et intuitive.
Actuellement, afin d’unifier plusieurs domaines différents (la création de vie artificielle, l’intelligence artificielle, l’exobiologie, la biologie dans les milieux extrêmes) de nouvelles tentatives pour définir ce qu’est la vie sont proposées (pour information, la vie serait une structure dissipative auto-catalytique capable d’homéostasie et d’apprentissage).
Quelque soit les domaines en fait, les scientifiques sont souvent animés par la quête de l’unité, comme peuvent l’être certains mystiques, ou yogi, et probablement d’autres personnes dans d’autres domaines dont j’ignore tout.