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Vivre Plus Longtemps, Mais à Quel Prix ? Les Dilemmes de la Santé Moderne

Vieux en mauvaise sante
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Autrefois, le travail manuel et l’activité physique étaient une norme, même dans les activités quotidiennes. La nourriture était locale et peu variée. En comparaison, la société moderne s’est orientée vers un mode de vie de plus en plus sédentaire, avec des heures prolongées devant des écrans et des moyens de transport motorisés et une nourriture plus riche et plus transformée. Quelles sont les conséquences de cette transition sur notre bien-être physique et mental, et comment pouvons-nous répondre à ces défis uniques de la modernité ?

En première instance, c’est une affaire entendue : l’espérance de vie est passée de 25 à 80 ans dans les pays industrialisés tels que la France. Elle continue d’augmenter tranquillement. Les maladies contagieuses n’existent presque plus, à l’inverse des pays en voie de développement où elles sont encore responsables des 2/3 des morts.

La modernité est donc une bonne chose. Point.

Mais si nous creusons, nous allons voir que, sans nier les bénéfices certains apportés par le développement, il existe tout de même des désavantages plus ou moins graves à la modernité.

Si l’espérance de vie augmente bel et bien, l’espérance de vie en bonne santé, elle stagne. Nous gagnons des années de vie malade en somme. Ces maladies sont spécifiques aux pays riches, on les appelle “maladies de civilisation” ou “maladies liées au mode de vie”. Cependant, on pourrait objecter que ce sont simplement des maladies de vieillesse, comme Alzheimer ou les cancers ou les maladies cardio-vasculaires, puisque, pour ainsi dire, la mort de mort naturelle n’existe quasiment pas du point de vue médical et que les morts par accident chez les personnes âgées sont très rares.

C’est probablement le cas, mais il y a néanmoins des problèmes de santé, notamment chroniques, qui se développent bien avant le 3ᵉ age : les caries, malocclusions dentaires, diabètes, asthmes et obésité.

Les problèmes dentaires

Prenons le cas des problèmes dentaires pour commencer. C’est une maladie civilisationnelle. Elle n’existe pas dans les pays non industrialisés. Un chien ne se brosse pas les dents, et pourtant, il est rare qu’il développe des caries. La cause est bien connue, et provoque aussi les malocclusions dentaires : c’est la nourriture, trop raffinée, et trop facile à mâcher. Mais plutôt que de changer ce que nous mangeons, ou de nous mettre à mâcher des gommes pour renforcer notre mâchoire, nous préférons entretenir toute une industrie médicale dentaire superfétatoire. Le capitalisme s’en accommode très bien : creuser des trous (dans les dents), et les reboucher, c’est le mouvement perpétuel consumériste.

L’obésité

Si nous avons appris à vivre avec les caries, l’obésité est un problème bien plus dramatique qui concerne surtout les pays riches. Sa prévalence mondiale à triplé de 1975 à 2016. 40% des Américains sont obèses. Ils peuvent perdre jusqu’à 20 années d’espérance de vie. Ce fléau provoque une perte de productivité autant qu’un surcoût en frais de santé pour la collectivité. 1 milliard de personnes sont touchées actuellement sur l’ensemble de la planète. En termes de DALY (années de vies perdues) l’obésité fait 3X plus de dégâts que la malnutrition désormais et est en progression rapide.

À quoi cela est-il dût ? Bien qu’il existe des facteurs génétiques et environnementaux, le surpoids et l’obésité sont principalement dus à une alimentation trop industrialisée (Matos et al 2021, Monteiro et al 2018, Poti et al 2017, Valicente et al 2023) et une activité physique faible. Si on rajoute le tabac et l’alcool, nous avons un cocktail explosif pour la santé lié à la modernité qui font perdre dans le pire des cas environ 11 années d’espérance de vie et 13 années d’espérance de vie en bonne santé. Certes, ce n’est pas la modernité qui nous oblige à adopter de mauvaises habitudes, pas plus qu’on nous force à manger trop mou.

Les autres problèmes

La modernité rend notre vie plus facile, et cette facilité peut se retourner contre nous si nous n’y prenons garde. Les causes ne sont pas toujours simples à identifier, comme dans le cas de l’asthme et du diabète. La modernité peut avoir beaucoup d’autres conséquences préjudiciables, comme le stress, la solitude, la perte de sens, la démotivation, l’anxiété, la dépression, l’usage de drogue, les addictions.

Mentionnons aussi, à toutes fins utiles, les problèmes de développement cognitifs provoqués par les écrans de smartphone utilisés par les enfants. Les adultes aussi semblent touchés.

La natalité

Mais il existe un aspect qui est désastreux : la natalité.

D’une manière générale, hors immigration, la natalité dans les pays développés chute drastiquement. L’immigration est une solution temporaire, car les populations rapportées rejoignent très vite le taux de natalité autochtone qui se situe, selon les cas, entre 0.7 (pour la Corée du Sud) et 1.3, bien au-dessous du seuil de renouvellement. Dans certains pays comme l’Iran la natalité a été divisée par 3 en 10 ans. Cela peut aller très vite. Les pays pauvres compensent, mais leur projet est de se développer comme les autres. Si on prolongeait les tendances actuelles, la survie de l’espèce serait tout simplement menacée.

Conclusion

La modernité résous des graves problèmes qui nous ont hanté pendant des siècles (famines, épidémies). Mais il ne faut pas croire que tout est résolu. La modernité pose d’autres problèmes, plus subtils.

Les caries sont un désagrément, mais on peut vivre avec et on connait la solution. L’asthme et le diabète sont une véritable difficulté, mais on peut espérer des traitements génétiques à terme. La sédentarité est un déboire, mais peut être surmontée si on s’en donne les moyens. L’obésité est un drame qui n’a pas l’air de pouvoir être enrayé même si théoriquement la solution est simple. La dénatalité est un désastre qui peut devenir une menace existentielle.

La modernité apporte, c’est indéniable, de nombreux bénéfices, mais il ne faut pas négliger ses côtés sombres. Rien ne s’oppose à ce que nous réussissions à les surmonter, mais il faut a minima être conscient des problèmes.

La santé n’est qu’un des nombreux domaines concernés. Il serait tout aussi important de parler d’autres aspects tels que le réchauffement, la perte de biodiversité, les pollutions, les changements anthropologiques, les risques politiques.

Ces problèmes ne peuvent plus être traités à grand coup de pilules, d’usines, et portes container, ni même avec nos démocraties vieillissantes. Cette fois-ci, il nous faut murir, devenir plus sages, ne pas céder à la facilité si nous voulons parvenir à relever ces défis d’un nouveau genre qui ne nous menacent pas moins que les précédents.

Nous ne devons pas nous endormir sur nos lauriers.

Nous allons avoir besoin d’une science de l’esprit, des comportements, des systèmes en interactions, de la complexité. C’est ce que nous verrons dans les prochains articles qui seront progressivement consacrés à l’”auto-accélération”.

Références

Loi de UN - Johann Oriel