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Noétique vs géopolitique

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En principe, la spiritualité ne se mêle pas trop de géopolitique même si parfois la religion le fait. À l’inverse, il existe évidement une géopolitique des religions. Mais par définition, la spiritualité étant “qualité de ce qui est esprit, de ce qui est dégagé de toute matérialité” elle n’est pas concernée par la géopolitique. Si vous ouvrez un ouvrage de méditation, de yoga, de spiritualité chrétienne, bouddhiste, hindouiste, musulmane, zen ou autre, je doute forte que vous y trouviez une carte du monde avec les routes commerciales ou les bases militaires déployées.

Et pourtant !

La noétique étant “la spiritualité* – le romantisme + la science”, quel rapport entretient-elle avec la géopolitique ?

Le choix de l’autre monde

Si on retire le “romantisme” de la spiritualité, qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Entre autres choses, on retire l’idée d’un “autre monde“. Si le paradis, nirvana, ou autre existent, ce sont des états de consciences et non pas des mondes à part entière, des univers parallèles. S’il existe quelque chose qui “survit à la mort”, cette chose existe “ici”, dans la nature, et non pas dans un ailleurs plus ou moins virtuel. Sortir de la caverne ou de la matrice est une métaphore. On n’a pas un autre corps qui vivrait dans un autre plan.

Je n’ai pas de preuve de ce que j’affirme, de même qu’il n’existe pas de preuve du contraire. Les expériences de mort imminente, les fantômes et le reste peuvent s’interpréter dans les deux cadres. La noétique postule qu’il n’y a pas d’autre monde. J’insiste : c’est un postulat, pas un dogme, pas une révélation. Un simple postulat. Nos esprits sont de ce monde et ne vont pas ailleurs, ce monde n’est pas une construction de nos esprits (posture idéaliste). Mais par contre, ce monde permet plus de choses à nos esprits que ce que la science conventionnelle / classique matérialiste prétend. La noétique est dans une position inconfortable relativement aux normes sociales actuelles, car elle ne rentre ni dans le paradigme matérialiste, ni dans la plupart des paradigmes spiritualistes qui parlent de ces autres mondes.

La conséquence politique

Qu’est-ce que ça change au juste ? Si on élimine l’idée d’un autre monde, et qu’il ne reste que ce monde-ci, le monde “naturel”, celui qui est étudié par la science, c’est aussi le royaume de la politique. Une spiritualité naturaliste ne peut pas avoir comme but de nous permettre d’accéder (à notre mort ou pas) à un autre monde. Elle ne peut avoir comme unique but que de nous aider à mieux vivre dans “le” monde, le seul dont on soit certain, le seul que l’on connaisse.

Une spiritualité non-naturaliste (très répandue actuellement en occident), c’est-à-dire surnaturaliste, ou autrement nommé spiritualisme, va forcément avoir tendance à rejeter les contingences matérielles. Elle va chercher à se débarrasser d’une manière ou d’une autre des questions d’argent, de guerre, de propriété, de territoire, et à l’extrême de corporalité. Toute difficulté d’ordre matériel sera gérée avec un outil “spirituel” ou un autre : la compassion, la générosité, le détachement. Ce genre de choses. Ce qui donne à ceux qui font ce choix un avantage moral indéniable sur les autres. En se détachant du matériel, les adeptes du spiritualisme peuvent prétendre à viser une forme absolue ou pure d’amour ou de compassion.

À l’inverse, la noétique n’a pas cette prétention. Certes, c’est moins vendeur que de devenir un pur être de lumière tout-puissant qui commande la matière grâce au pouvoir de l’amour. La noétique se contente de transcender la corporalité. Transcender veut dire “dépasser sans abolir” : on reste incarné, mais une incarnation différente, plus “profonde”, plus subtile.

L’inconvénient (mais en est-ce vraiment un ?) c’est que la noétique n’est plus hors du monde et donc que la politique la concerne, et la géo-politique aussi. Alors que le spiritualiste prétend s’extraire de ces jeux de pouvoir, et que bien souvent, il n’en est que l’idiot-utile en servant de bouclier humain à des plus cyniques que lui, le noéticien se salît les mains en prenant parti dans les conflits, en fonction de sa sensibilité, de sa subjectivité.

Le fil du rasoir

Mais alors quelle différence entre un noéticien et un politicien normal ? C’est la perspective qui est différente. C’est ici qu’il faut réintroduire la question de la spiritualité. Un noéticien c’est un politicien avec une spiritualité en somme. La politique ou la gépolitique lui sert de “terrain de jeu” pour mettre en pratique, mais aussi pour progresser intérieurement. Son objectif n’est pas purement matériel, il travaille à affiner ses états de consciences, à progresser sur la science intérieure.

Prenons une analogie avec les art-martiaux. Le spiritualiste considère que le combat est une perte de temps et d’énergie pour son objectif “spirituel” : la maîtrise du chi. Le noéticien lui considère qu’il obtiendra cette maîtrise en combattant. Ce n’est pas le combat qui va lui apprendre ce qu’est le chi et comment il se manipule, mais c’est en combattant qu’il vérifiera si sa maîtrise est réelle ou non.

Le spiritualiste se détache du monde, le noéticien l’embrasse, mais pour ne pas être englué dedans, il doit aussi s’en détacher. Il est sur le fil du rasoir et doit en permanence être vigilant pour ne pas céder au spiritualisme ou au matérialisme. Les deux sont finalement bien plus confortables, car ils fournissent des certitudes, des repères simples, des alliés nombreux.

Au sein de la noétique, la spiritualité et la géopolitique sont donc indissociables. Il ne s’agit pas prendre bêtement partit pour un camp ou un autre, le bien et le mal sont des conceptions infantiles. Il s’agit de chercher à comprendre et à se positionner en utilisant la spiritualité pour trouver des solutions innovantes qui nous élèvent. En ce sens, la compassion, le détachement, l’amour de la spiritualité peuvent retrouver une place dans la géopolitique, mais ils ne sont plus seuls, ils sont mis en balance avec la défense de ses intérêts personnels et collectifs, l’agressivité, la vitalité de la corporalité. C’est un équilibre égoïsme/altruisme qui se construit en fonction du contexte.

Rien qu’avec cette phrase, je viens de me faire beaucoup d’amis de part et d’autre ! lol

C’est pour cela que j’insiste autant sur ce qui se joue en ce moment dans le monde : la démondialisation, la dédollarisation, l’émergence des IA, la conquête de l’espace, le vieillissement, les transhumanismes. La noétique doit nous aider à surmonter ces défis grâce à une spiritualité incarnée. Sinon, la spiritualité (qui en pratique est une collection d’outils psychoactifs qui peuvent se retourner contre nous) va au contraire devenir un palliatif. Au lieu d’être un outil pour grandir intérieurement, elle va devenir un simple verni qui sert à maquiller le vide intérieur. Vide dont les forces matérialistes s’empareront paradoxalement.

Si vous atteignez la paix tout seul dans une grotte, très bien, tant mieux pour vous, mais la véritable paix, c’est sur le champ de bataille qu’elle s’éprouve.

* je préfère dans le contexte de cet article parler de “spiritualité” plutôt que de “magie”

Loi de UN - Johann Oriel