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James Amar déserte Centrale Supélec en tant qu’objecteur écologique – il se pourrait qu’il se trompe

centrale supelec canceled

Billet d’humeur. Je réagis à l’actualité. Je ne source pas mes propos ici, je donne mon opinion.

Le réchauffement anthropique : oui. L’urgence climatique : ça se discute. Le catastrophisme climatique : non.

Élève ingénieur promis à une belle carrière, sa lettre de démission publiée sur linkedin fait le buzz et lui a donné droit à une interview dans le magazine Challenge. James Amar ne veut plus participer au système de prédation capitaliste, il y a urgence écologique. Ses références ? Arthur Keller et Aurélien Barrau. Il ne veut pas être le minion des vampires du top 1%. Sur son linkedin certaines critiques lui enjoignent de rester pour transformer le système de l’intérieur, mais personne ne remet en question la logique de son choix.

C’est ce que je vais faire, car c’est là que le bât blesse.

Le retour à la terre, j’en suis revenu

Je suis un ingénieur moi-même, et j’ai moi aussi connu les affres existentielles de l’écologie. J’ai moi aussi remis en question notre mode de vie, cherché d’autres manières de vivre. J’ai expérimenté le “retour à la terre” (à la nature plutôt) et sans prétendre être le premier ou le seul, j’en suis finalement revenu. Tout n’est pas à jeter dans la démarche écolo, j’y reviens à la fin, mais c’est une imposture dans les grandes lignes.

Pourquoi ?

Quand j’ai lu le manifeste d’Una Bomber cela fût un choc pour moi. La technologie nous aliène. En plus, elle crée des inégalités. En plus elle détruit la vie sur terre. En plus, la pollution rend les conditions de vie en bonne santé de plus en plus hasardeuse. Je suis végétarien parce que je ne souhaite pas participer aux conditions de vie des animaux d’élevage industriels qui s’apparentent à un enfer sur terre.

Je ne suis pas devenu cynique. Je n’ai pas renoncé à ma conscience environnementale. Pourtant, le discours écologique m’a déçu. C’est un narratif basé sur un fond de culpabilité qui n’améliorera le sort de personne. Je peux me tromper, mais c’est ce que je pense aujourd’hui. Quels sont mes arguments ? Qu’est-ce qui m’a fait changer d’avis. Il faudrait un livre entier pour expliquer tout en détail. Je vais faire court et aller à l’essentiel.

Il y a peine 200 ans en arrière, avant les deux révolutions industrielles, le monde était très différent. Les conditions de vies étaient bien pires.

  • Au Moyen Âge, avant la révolution industrielle, l’espérance de vie était beaucoup plus courte, tout le monde sait ça, mais ce que je ne savais pas, c’est la signification exacte, concrète qui se cachait derrière : un enfant sur deux mourrait avant l’âge adulte. Le taux de mortalité maternelle était de 1% environ par naissance.
  • Vous n’aviez pas intérêt à avoir une rage de dents ou une maladie quelconque. C’était l’époque de la “médecine héroïque” parce que vos chances de mourir du traitement du médecin étaient au moins aussi élevées que celles de mourir de la maladie. On pouvait mourir d’une égratignure.

Il est vrai que la technologie à un coût de fabrication et d’usage et que sa rareté implique que tout le monde ne peut pas en profiter. Au Moyen Âge, tout le monde était égal face à la maladie, même un roi, personne n’avait accès à Internet. Est-ce que c’était mieux pour autant ? J’en doute. Mes parents viennent d’un milieu modeste. Le Moyen Âge, ils l’ont connu.

Aujourd’hui, dans les pays développés, nous ne mourrons quasiment plus ni de guerre, ni de famine, ni de maladie contagieuse. Je ne dis pas que tout est rose, loin de là.

L‘anti-nucléarisme, une absurdité de l’écologisme

Les écolos sont contre le nucléaire. Je l’étais aussi : trop dangereux comme technologie, la radioactivité, les déchets, etc. Tout ça est totalement faux. Il y a de nombreuses vidéos sur le sujet. Bien que le nucléaire soit dangereux (il faudrait être fou pour dire le contraire) on sait parfaitement bien construire des centrales sûres. On sait gérer les déchets. Soit ils sont très radioactifs, auquel cas, ils ne le sont pas longtemps, soit s’ils le sont longtemps, c’est qu’ils le sont peu. Mais le pire, c’est qu’avec des surgénérateurs comme Astrid, on pourrait brûler ces déchets et avoir 2000 de réserve d’électricité (au rythme actuel) devant nous.

Le nucléaire n’émet pas de CO2, a une empreinte écologique bien plus faible que les autres sources d’énergie. Ce n’est objectivement pas logique d’y renoncer pour raison écologique. Il vaut mieux cuire notre nourriture avec de l’électricité nucléaire qu’au bois, charbon ou gaz. La technologie peut causer des problèmes écologiques, mais elle peut aussi en résoudre. D’ailleurs Paris était bien plus pollué avant la voiture à cause du cheval et de son crottin.

La décroissance n’est pas la solution. Ce n’est pas pour rien que les pays non développés veulent absolument le devenir. La décroissance consiste à ne pas faire d’enfants (rien ne pollue plus que ça), ne pas faire carrière, et croire qu’en plus, on va pouvoir améliorer les choses sans moyens, uniquement grâce à ses bonnes intentions. Le kumbaya permaculturel est un suicide civilisationnel qui prétend sauver la civilisation.

Comment est-ce que les décroissants comptent ravitailler les villes avec leur jardin en permaculture ? par cheval ? les aliments seront tous pourris avant d’arriver si on cesse d’utiliser les camions frigorifiques. Si on n’exporte plus les céréales produites au tracteur dans le monde à dos de porte container, des millions mourront de faim. Les millions même que l’écologie prétend sauver du réchauffement. Bjorn Lomborg explique que pour se prémunir des aléas climatiques, le meilleur moyen, c’est de bâtir des infrastructures résistantes. Je pense qu’il a raison.

L’adolescence civilisationnelle – ça passe ou ça casse

Mais il y a une raison plus profonde pour continuer l’aventure du développement technologique. Ceux qui connaissent un peu les bases de la physique, de la thermodynamique pour être plus précis, savent que toute transformation du monde demande de l’énergie et que ça produit de l’entropie, du “déchet”. C’est inévitable. Le déchet ultime, c’est, tenez-vous bien, la chaleur. Les écolos fantasment un “équilibre”, une “harmonie” avec la nature qui n’existe pas et qui n’existera jamais. Bien sûr, il y a des équilibres temporaires qui peuvent durer longtemps, mais tout a une fin. La nature s’en fout de nous tout autant que des dinosaures. Le réchauffement et la pollution sont inévitables pour toute espèce intelligente qui développe une technologie avancée. L’alternative aurait été de ne pas domestiquer le feu, de ne pas manger de viande cuite, de ne pas développer notre cerveau, de ne pas développer l’agriculture et la domestication, de ne pas aller sur la lune. L’alternative, ce n’était même pas de retourner au Moyen Âge, ni de redevenir chasseur-cueilleur, mais carrément de rester des hominidés et d’attendre que la nature nous fasse disparaître pour une raison ou une autre.

Je dis non. J’aime la vie. J’ai envie de vivre et de me battre pour ça. Aujourd’hui, nous en arrivons à l’époque fascinante ou nous allons devoir envoyer le gros de notre pollution dans l’espace, et où nous allons devoir apprendre à contrôler le climat. C’est un passage obligé, c’est l’adolescence technologique. Il n’y a pas d’autre solution. Nous allons devoir devenir des “adultes” ou disparaître. Je ne nie absolument pas les risques que nous encourrons actuellement, bien au contraire. Le discours écologique à un fond de vrai. Mais il est porté par une réaction de peur face à la puissance technologique que nous avons déclenchée et qui nous dépasse désormais. Les philosophes ont beaucoup écrit sur ce sujet, et je n’ai aucune raison de rejeter ces analyses. J’appelle cette nouvelle ère le digitocène.

Le 22ème siècle sera sage ou ne sera pas. Nous sommes au pied du mûr.

Sur le plan technologique, il existe des solutions pour capturer le CO2 massivement. Le seafarming en est une parmi d’autres. Les technologies “intensives” qui ont une empreinte écologique moindre telle que le nucléaire, la quantique, les IA, le newspaces (en déportant à terme une partie des usines polluantes dans l’espace) ont tous le potentiel de nous aider dans la tâche herculéenne qui nous attend. C’est la voie de l’écomodernisme. Les technologies “intelligentes” peuvent aussi nous aider (ex : google permet aux avions de modifier leur trajet pour réduire leur impact climatique de 20 à 30% en réduisant leurs traînées de condensations).

Du côté de la sagesse, il y a un mouvement qui commence à prendre de l’ampleur chez certains scientifiques qui se base sur les anciennes traditions spirituelles comme le yoga (l’une des plus riches) et qui les passent au crible de la science pour en tirer une nouvelle sagesse. John Vervaeke défend une “transcendance naturaliste” et est en pointe, de même qu’Andrew Huberman. L’innovation franchit des paliers pour la société comme une personne peut le faire pour ses besoins selon la pyramide de Maslow. Actuellement, c’est le domaine du “soi” qui est en train de connaître un boom.

Pour autant, est-ce qu’il n’y a rien à changer dans l’enseignement de supelec ? Ce n’est pas ce que je dis non plus. Je n’ai pas fait cette école, mais il est clair que le capitalisme actuel se prend les pieds dans le tapis. Qu’il faille éliminer une certaine hypocrisie qui sème le doute ne m’étonne qu’à moitié. Il n’est plus possible de nous contenter de green-washing, c’est-à-dire, ne rien changer et se donner des airs. Non. Il y a des vrais problèmes, il faut des solutions à la hauteur.

De plus, les écolos ont raison sur un point selon moi. Les humains de béton/plastique nés en ville qui n’ont jamais vu une vache si ce n’est virtuellement ont tout à gagner d’un “retour à la terre” bien effectué. La nature est un réservoir de sagesse. Mais la nature est cruelle. Les animaux se chassent les uns les autres. Ils n’ont pas d’hélicoptère pour les amener à l’hôpital en urgence s’ils se blessent. Il ne faudrait pas l’oublier dans leur entreprise de redécouverte. C’est précisément l’enseignement du yoga en définitive : tenter de voir ce qui est, et non pas ce que nous avons envie de voir.

Loi de UN - Johann Oriel