Résumé chatGPT de l’article :
- La métacrise actuelle : Face à une conjonction de crises multiples, il est essentiel d’adopter une approche systémique pour résoudre nos problèmes.
- Sentience et droits des animaux : La sentience devrait être la base pour accorder aux animaux des droits inviolables, remettant en question notre exploitation de leur existence.
- Citoyenneté des animaux domestiques : Les animaux domestiques, en tant qu’agents actifs, devraient participer aux décisions politiques et être traités comme des citoyens à part entière.
- Souveraineté animale dans la nature : Les animaux sauvages devraient être considérés comme des souverains de leurs territoires, nécessitant la création de corridors de vie sauvage pour préserver leur habitat.
- Citoyenneté liminale et urbanisme animal : Les animaux liminaires, entre le domestique et le sauvage, nécessitent un urbanisme animal pour cohabiter harmonieusement avec les humains.
- Pourquoi se soucier des animaux ? : La maltraitance animale a des répercussions sur la santé humaine, l’écosystème, la qualité de la viande, et bien plus encore.
- Zoopolis : Une approche novatrice pour les droits des animaux, basée sur la citoyenneté, la souveraineté et la notion de résident.
- Critiques et propositions : Des critiques sont émises, notamment en ce qui concerne la définition de l’animal, mais l’idée principale est de ramener les animaux dans nos villes de manière réfléchie pour rétablir le lien entre l’humanité et l’animalité.
Pourquoi se préoccuper du sort des animaux alors qu’on a d’autres problèmes plus urgents ?
En fait, je crois exactement l’inverse. Nous sommes face à ce que certains appellent une métacrise, une conjonction de crise multiples. Les IA, le réchauffement, la démographie (vieillissement, natalité, flux migratoires), le délitement du politique, les changements anthropologiques, la dérégulation de la finance, la pollution, la réduction de la biodiversité. Toutes ces crises nous obligent à adopter un regard systémique (d’ensemble). On ne va pas les résoudre une par une. C’est notre rapport au monde que nous devons changer, et ce rapport au monde passe par deux sujets qui sont au cœur de toutes ces crises : l’animal et la machine. La technologie, la technosphère, et l’écologie, la biosphère. Au centre, il nous faut une nouvelle philosophie pratique*.
Je suis pour l’établissement de droits des animaux. Je suis végétarien. Je ne suis pas contre la consommation de viande, ni la chasse, ni la corrida. Ma position est incompréhensible pour les « animalistes », ainsi que pour « carnistes ». La raison est simple, pour moi l’humain est un animal comme un autre. Les animaux se chassent entre eux, je ne vois pas pourquoi on devrait être différent. La corrida est un hommage à l’animalité brute et sauvage. C’est l’animal indompté qui est célébré, mais il faut avoir un rapport pacifié à la mort pour le comprendre. Je suis végétarien à la base par refus des conditions d’élevage industriel, et puis maintenant par goût avant tout.
La question de la souffrance animale à laquelle de plus en plus de gens sont sensibles débouche sur toute une littérature « animaliste » qui tente d’établir un droit pour les animaux non humains. Mais très vite, on aboutit à des absurdités : si on interdit aux humains de se tuer entre eux, il faut aussi l’interdire aux animaux. Que devient le lion mangeur de gazelle dans cette histoire ? Certains préconisent de le rendre génétiquement végétarien ! D’autres, à l’inverse, soutiennent qu’il ne faut plus exploiter du tout les animaux et les laisser vivre leur vie, quitte à laisser mourir les animaux domestiques. Bref, vous l’aurez compris, ces solutions sont absurdes même si elles sont logiques**.
Au fond, pourquoi se soucier du sort des animaux ? Nous sommes, nous humains, en position ultra-dominante par rapport à eux. Je vais répondre 3X la même chose, mais avec des mots différents :
- Version mystique : En tant que yogi, c’est une question de karma collectif. Si nous maltraitons de manière injuste des plus faibles, alors nous serons traités de manière injuste par des plus forts (des IA, des aliens, des plus riche que nous, etc…). C’est le sens de l’intuition derrière la formule « la loi de UN » : tout est relié, interdépendant et à un certain niveau, tout est « la même chose » derrière des apparences différentes (cf la thermodynamique de l’évolution de François Roddier notamment).
- Version philosophique : En maltraitant les animaux, c’est notre partie animale que nous maltraitons aussi. Étudier les animaux, c’est nous comprendre nous. L’éthologie (Konrad Lorentz) et la sociobiologie (E.O. Wilson) ou sa version plus récente, la psycho-evo, le démontrent sans ambiguïté. Le capitalisme excessif nous broie nous autant qu’eux, protéger les animaux, c’est nous protéger nous aussi. Leur condition est la nôtre dans une certaine mesure.
- Version scientifique : La maltraitance animale, du fait des équilibres écosystémique, fait que nous en subissons nous-mêmes les conséquences : microbes qui peuvent décimer des cheptels entiers ; risques de zoonose accrus ; viande de mauvaise qualité, imprégnée de cette « souffrance » (qui n’est pas que subjective, elle se traduit par des cocktails d’hormones dans le corps) ; viande aussi imprégnée des médicaments dont l’animal est bourré pour survivre aux conditions de vies « non naturelles » qu’il subit ; surutilisation des antibiotiques qui provoquent des résistances et l’émergence de superbactéries ; émissions de CO2, etc…
Le pire, c’est que nous surconsommons de la viande.
Zoopolis aborde la question de manière différente des délires qui le précèdent. C’est, à ce jour, la tentative la plus aboutie en matière de droit animal, même si elle n’est pas exempte de défauts selon moi (j’y reviens ensuite). C’est un livre extrêmement intéressant. D’abord, le principe utilisé tout au long des différents cas examinés consiste à adapter de manière pragmatique et intelligent un droit humain déjà existant. Et ça fonctionne ! Ensuite, le livre est facile à lire et on est pris par la main dans le dédale des notions juridiques et c’est une bonne manière de découvrir ce domaine. Enfin, de nombreux cas pratique sont explicités. Le droit consiste à résoudre des dilemmes moraux au fond. C’est une discipline noble et nécessaire.
Les idées centrales : citoyenneté, souveraineté, résidents
Voici un résumé chatGPT du livre et des concepts clés. Ça ne rend pas justice à la richesse des propos du livre, mais ça vous donnera une idée des idées principales :
- Sentience et Droits des Animaux :L’argument central de Donaldson repose sur la sentience, la capacité des animaux à ressentir la douleur, le plaisir et d’autres émotions. Elle soutient que cette sentience devrait être la base fondamentale pour accorder aux animaux des droits inviolables. Selon elle, la simple existence de la sentience implique que les animaux méritent une considération morale. Ils ne devraient pas être traités comme des objets ou des ressources, mais plutôt comme des individus ayant des intérêts légitimes. Donaldson pose également la question de la justice envers les animaux. Elle plaide en faveur d’un cadre juridique qui prend en compte les besoins et les intérêts des animaux dans des situations diverses. Cela signifie que nous devons repenser nos pratiques agricoles, nos expérimentations sur les animaux et notre exploitation des ressources naturelles.
- Citoyenneté des Animaux Domestiques :Une idée novatrice de « Zoopolis » est que les animaux domestiques devraient être considérés comme des citoyens à part entière. Donaldson soutient que les animaux domestiques, en particulier ceux qui partagent nos vies, ont une certaine forme d’agentivité. Ils ont la capacité de prendre des décisions et d’exprimer leurs préférences. En quelque sorte, les animaux peuvent « voter avec leurs pieds » si nous les laissons exercer leur liberté de mouvement pour participer aux décisions politiques. Cela implique de repenser la manière dont nous gérons nos relations avec les animaux de compagnie et de leur accorder une plus grande autonomie.
- Souveraineté Animale dans la Nature :En ce qui concerne les animaux sauvages, Donaldson propose une vision radicalement différente. Elle les considère comme des « souverains » de leurs propres territoires. Pour elle, la nature n’est pas simplement un ensemble de ressources à exploiter, mais un réseau complexe d’écosystèmes avec ses propres acteurs importants, les animaux sauvages. Elle plaide en faveur de la création de corridors de vie sauvage pour permettre aux animaux de se déplacer librement et de préserver leurs territoires. Cette approche reconnaît la valeur intrinsèque des écosystèmes naturels et leur importance pour les animaux.
- Citoyenneté Liminale et Urbanisme Animal :Les animaux liminaires, qui se trouvent entre le domestique et le sauvage, posent un défi particulier. Donaldson propose un concept d’urbanisme animal qui tient compte de leurs besoins. Elle utilise le terme « résidant » (denizen en anglais) pour décrire leur statut. Les animaux liminaires ont le droit de cohabiter avec les humains, mais cela nécessite un aménagement urbain qui prend en compte leur présence. Cela signifie la création de zones où les animaux liminaires peuvent vivre et se nourrir sans perturber excessivement la vie humaine. L’urbanisme animal représente une évolution dans la manière dont nous concevons nos villes et nos espaces partagés.
Ma critique du livre : un pas dans la bonne direction, mais encore très utopique
Bien que le livre soit hautement intéressant et qu’il aille clairement dans la bonne direction, il y a selon moi plusieurs soucis majeurs :
- La notion d’animal n’est pas définie. S’il faut donner des droits inviolables aux moustiques et aux termites, ça risque de poser quelques menus problèmes. Le sujet est simplement évacué. Si je tue un moustique qui me pique, c’est moralement répréhensible ? De plus, la question de la « sentience » est ouverte. Philosophiquement, personne n’est en mesure de dire si une bactérie est « sentiente » ou non, si elle souffre ou non. Faudrait-il donner des droits aux bactéries ? Le livre aurait pu au moins dire « on ne sait pas alors, on trace une limite arbitraire ici pour démarrer ». Or, il y a une limite qui semble plus raisonnable, en l’état actuel de nos connaissances, qu’une autre, ce sont les animaux à sang chaud (Nicholas Humphrey).
- Si le droit de vie est absolu, qu’il n’est plus possible de tuer aucun animal pour se nourrir par exemple, c’est simplement économiquement impossible. On ne pourra pas s’occuper de tous ces animaux correctement s’il n’y a pas un intérêt économique derrière. La souffrance qui en découlerait serait pire que l’actuelle. Ils n’en parlent pas du tout alors que c’est pourtant une question absolument primordiale. Peut-être que dans 500 ans, on pourra en arriver là, mais pour le moment, il faut proposer autre chose. Il existe une charte des 5 libertés fondamentales, que je trouve bien plus raisonnable : absence de faim, de soif, de peur et de stress physique et thermique, absence de douleur et de maladie, liberté d’expression d’un comportement normal de son espèce grâce à un environnement adapté.
- La question des « punitions » si quelqu’un déroge aux droits des animaux n’est pas du tout évoquée.
Malgré ces critiques, le livre est selon moi plus qu’intéressant à cause de ses propositions concrètes. L’idée que je retiens avant tout celle-ci. Prenons un exemple pour que vous compreniez bien. Régulièrement les villes sont obligées de gazer les pigeons parce qu’ils se reproduisent trop. Au lieu de cela, il suffirait de leur aménager des nichoirs et de mettre des faux œufs dedans, ce qui permettrait de réguler leur population. À terme, cette solution serait moins couteuse et tout en étant moins cruelle. D’une façon plus générale, que ce soit pour les animaux domestiques, liminaires ou sauvages, avec l’aide d’éthologues, il serait possible d’aménager nos territoires pour cohabiter en bonne intelligence avec tous ces animaux au lieu de les traiter comme des ressources ou des nuisibles.
L’idée principale, fondamentale, proposée dans le livre et que je défends se réduit à ramener les animaux dans la ville. C’est possible, et si nous le faisons, ça diffusera jusque dans les campagnes. Nous nous sommes coupés de notre animalité progressivement et nous en souffrons actuellement. Ramener les animaux en ville, pas de manière anarchique, mais de façon réfléchie, c’est mettre fin à cette dichotomie qui nous aliène individuellement et qui met en danger l’écosystème global. Les animaux peuvent certes être une nuisance si nous les gérons mal, mais si nous nous y prenons bien, ils peuvent être un facteur de lien et cohésion sociale bien plus efficace que tous les programmes « sociaux » que nous inventons comme palliatifs.
De plus, j’ai la conviction (il me faudra du temps pour l’étayer proprement) que notre droit est malade (de trop d’abstractions, d’intellectualisme notamment) et que la question du droit animal peut nous aider à remettre les pieds sur terre.
Bonus
Entretien sur le sauvage : Baptiste Morizot philosophe et pisteur, propose une approche basée sur la notion « cohabitants » et aborde le cas de la gestion de loups. Il prône la mise en place d’une diplomatie animale.
* Au final, il est amusant de constater que tout remonte à « l’animal-machine » de Descartes, sa méthode, qui nous a donné le paradigme matérialiste humaniste qui a régné sans partage jusqu’en 1945. Ce paradigme est maintenant devenu le problème qu’il faut résoudre. Quant à ma position, je viens d’apprendre qu’elle se nomme « multi-spécisme » et elle n’est pas si rare que ça en définitive.
** La logique dépend des axiomes de base, et le choix des axiomes est toujours arbitraire. On juge un paradigme (un ensemble d’axiomes et tout ce qui en découle) à sa fertilité. En l’occurrence, les axiomes utilisés ne fonctionnent pas parce qu’ils ne sont que des extensions de l’humanisme à l’animalité.